René ABERLENC : l’artiste
Il entra très jeune en peinture comme on entre en religion, comme on entreprend la quête du Graal : il était venu en ce monde pour être peintre. La peinture fut son bonheur, sa respiration, son Grand Œuvre. Son travail fut marqué par une très grande exigence.
S'il ressentait les fécondes potentialités de renouvellement de l'art moderne, il ne croyait pas qu'il soit nécessaire de faire table rase de la tradition humaniste héritée des grands aînés. Il n'avait pas la vanité naïve de se croire au-dessus de la Tradition et dispensé d'étudier les Maîtres : s'imaginer que l'art commence ou s'achève avec sa petite personne aura été une maladie contemporaine. Refuser toute tradition ou refuser toute innovation sont deux extrêmes absurdes qui aboutissent à la stérilité, à la répétition, à tourner en rond. C'est le contraire de la vie et ô combien René était Vivant !
Au prix d’une recherche qui fut souvent douloureuse et d’efforts soutenus pendant toute sa vie, d'une remise en question permanente de soi-même, il évolua et progressa sans cesse. Il était rarement satisfait de son travail. Par bonheur, sa trajectoire fut jalonnée par des œuvres maîtresses.
Il consacrait de longues heures à la méditation silencieuse et à la réflexion sur l'art et sur son travail. Richement doué, il aurait pu facilement produire en série, suivre la mode, s’enrichir et obtenir une rapide et vaine gloire, mais au prix d'une négation de sa vocation et d’une mort artistique qu’il refusa toujours. Il était très pudique et il détestait l'étalage de l'érotisme, lui qui aimait tant le corps humain, sa beauté et son langage secret, lui qui a dessiné et peint tant de nus splendides. Il aimait ce qui est vivant, sain, vigoureux, heureux, profond, solidement construit, coloré, lumineux… Son regard visionnaire pénétrait la vérité intérieure des êtres et des choses, toujours avec pudeur et respect. Par la forme, son art est révélateur de cette immense Vie intérieure invisible qu'on ne voit qu'avec le cœur.
Son parcours fut brisé par une mort prématurée alors qu’il atteignait la maturité et que son œuvre était encore à faire. C'est une catastrophe pour un tel artiste de mourir à 50 ans. Qu'aurait-il accompli s'il avait vécu jusqu'à aujourd'hui comme certains amis peintres de sa génération ?
De son vivant, si sa renommée n'atteignit pas le grand public, il était reconnu dans les milieux de la peinture. Un large cercle d'amis, de peintres et de sculpteurs, de collectionneurs, d'amateurs de peinture, de critiques d’art, d'écrivains, d'érudits, d’exposants, de marchands de tableaux (vis-à-vis desquels il resta toujours libre), sut très tôt le reconnaître en France et dans le monde.
René ABERLENC fit partie des peintres que George BESSON a soutenus et leur amitié, leur affectueuse complicité s'approfondit avec le temps.
Après sa mort, son œuvre entra dans une période de "purgatoire" : sans que de nouvelles personnes (ou si peu) ne découvrent son œuvre, la mort a peu à peu clairsemé les rangs de celles qui l'appréciaient.
La qualité de ce qu'il nous a légué le fera sortir de l’oubli et l’histoire de l'art le placera parmi les grands peintres figuratifs français du XXe siècle qui se sont affirmés à Paris après la seconde guerre mondiale.